Une "histoire des corporéités". Phénoménologie de l'intersubjectivité et anthropologie de la parenté

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Séminaire

Conférence de Claudia Serban, philosophe, Université Toulouse-Jean Jaurès

18 April 2023
14h
En ligne

Dans le cadre du séminaire "Le(s) corps : approches anthropologiques et philosophiques"

Conférence de Claudia Serban (philosophe, Université Toulouse-Jean Jaurès) interviendra sur le thème : "Une "histoire des corporéités". Phénoménologie de l'intersubjectivité et anthropologie de la parenté"

Dès ses premières avancées au XIXe siècle, l'anthropologie a toujours attribué une place tout à fait décisive à la question de la parenté, investissant ainsi un terrain de réflexion et d’analyse que la philosophie a toujours eu tendance à négliger et auquel seule la psychanalyse freudienne accordera, au début du XXe siècle, une centralité comparable. Il est en effet difficile de contester que les approches philosophiques classiques de la vie individuelle, sociale et politique ont surplombé ou minoré le plus souvent (à de très rares exceptions près) l’émergence des liens interpersonnels au sein des premières communautés constituées par les relations de filiation et de parenté, proto-communautés familiales jugées relevant d’une sphère de vie inférieure et privée sur laquelle la pensée philosophique n’avait pas à s’attarder (et de laquelle les philosophes devaient se précipiter à s’échapper). Qu’en est-il des phénoménologies de l’intersubjectivité, qui se sont élaborées depuis les entreprises inaugurales de Scheler, Husserl et Heidegger et ont été prolongées, en France, par des tentatives aussi diverses que celles de Sartre, Merleau-Ponty, Levinas ou Michel Henry (pour nous en tenir à celles qui sont sans doute les plus connues) ? Les relations intersubjectives qu’elles se sont donné pour tâche d’élucider se sont-elles laissées spécifier par des déterminations anthropologiques telles la parenté ou la filiation ? Si l’on essaie de répondre à cette question, le constat qui paraît s’imposer – du moins en s’en tenant aux exposés canoniques de la Cinquième Méditation cartésienne de Husserl et du § 26 d’Être et temps deHeidegger (le cas de Scheler, déjà mentionné, étant ici différent) – est celui de l’excessive formalité des phénoménologies classiques de l’intersubjectivité et de leur réticence pérenne à accueillir les déterminations anthropologiques de l’ego ou du Dasein comme d’autrui. Un tel constat s’aligne parfaitement sur le diagnostic célèbre, formulé par Blumenberg dans sa Description de l’homme, d’un « interdit anthropologique » que Husserl et Heidegger auraient entériné tous les deux. Il nous faudra cependant nuancer, voire contester ce diagnostic, en montrant qu’il est possible de trouver, dans la phénoménologie tardive (dite « générative ») de Husserl, ainsi que dans ses réceptions et prolongements francophones, notamment chez Merleau-Ponty et Levinas, des ressources pour dé-formaliser l’approche phénoménologique de l’intersubjectivité en y intégrant des déterminations anthropologiques qui s'avèrent désormais décisives pour qualifier le sens de la rencontre de l’autre : la différence sexuelle, tout d’abord, la différence d’âge, ensuite, mais aussi et surtout les relations de filiation et, avec elles, l’horizon intergénérationnel de la parenté comme celui de la parentalité. C’est ainsi que se laisse mettre en place une phénoménologie plus concrète des formes originelles d’intersubjectivité, attentive à la signification non naturalisable – et en ce sens « transcendantale » – des rapports parentaux et filiaux, qu’il s’agira d’essayer d’enrichir par les avancées contemporaines de l’anthropologie de la parenté (dont nous retiendrons ici l’étude de Maurice Godelier, Métamorphoses de la parenté (Fayard, 2004)).

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