Les nouveaux forçats de la route Régulation et intégration professionnelle dans le cyclisme d’élite (2005-19)
Dans le cadre du séminaire Sport Studies
- Olivier Aubel
Laboratoire interdisciplinaire en études culturelles - LinCS
Faculté des sciences du sport - Université de Strasbourg
- Serge Paugam (discutant)
Directeur d’études à l’EHESS,
Directeur du Centre Maurice Halbwachs
Le plus souvent lorsque le sociologue prend le cyclisme pour objet, il est question de dopage. Nous présenterons ici les résultats d’une recherche d’une dizaine d’années qui relègue la question du dopage pour mieux la comprendre. L’étude des conditions « d’intégration professionnelle » des coureurs montre
la diversification des formes de précarité en emploi et au travail qui atteint les plus fragiles comme les plus en vue. Ce travail met en évidence à deux « niveaux de concrétude » ce que cette diversification des formes de précarité doit à la régulation du cyclisme d’élite à l’aune de sa mondialisation depuis 2005. Il se fonde sur une analyse statistique des parcours des quelques 10000 coureurs et 500 équipes des trois premières divisions mondiales mais aussi sur quelques 120 entretiens menés au sein des équipes de deux premières divisions, jusqu’en 2022. A un premier niveau, il s’agit de la régulation des échanges entre les coureurs et leur formation. Elle conduit d’une part, à une « structure duale d’emploi » sur laquelle s’indexent les conditions de travail qui perpétuent la relative « misère de position » des coureurs les plus précaires. Elle consiste également en la mise en place d’une nouvelle «discipline des corps » et de ses instruments de surveillance qui affecte l’expérience laborieuse de tous les coureurs. A un deuxième niveau, nous analysons une à une les « écologies» des équipes et celle des organisateurs de course. Ceci nous permet de faire le lien entre la mondialisation du peloton comme « crise morale » et la reconfiguration du groupe professionnel cycliste. A un troisième niveau nous étudions enfin la régulation des échanges
entre les acteurs collectifs comme « communautés plus ou moins capables d’action » qui s’affrontent ou se coordonnent au sein du « champ d’action stratégique » du cyclisme et plus globalement de son écosystème.
