Ethnographier le risque dans le champ de la santé et des migrations : regards croisés

Past event
Journée d'études
12 May 2023
Misha, Salle de Table ronde

La question du risque fait l'objet de nombreux travaux dans le domaine des sciences sociales de la santé, comme dans celui des études migratoires.  Dans le champ de la santé, elle a notamment été abordée en lien avec les conduites addictives ou dites extrêmes (Peretti-Watel, Patrick, François Beck, et Stéphane Legleye, 2007), les contaminations et transmissions du VIH-sida et, plus largement, en lien avec les actions de prévention et leurs réceptions par les publics cibles. En s'intéressant aux logiques sociales, affectives et relationnelles dans les prises de risque en matière de vie sexuelle (ANRS, 1999), tout un ensemble de travaux sur le VIH sida – et ce, en situation ou non de migrations (Desgrées du Loû et Lert, 2017) –, ont par exemple contribué à prendre de la distance avec les approches objectivistes du risque, pour en montrer ses dynamiques socialement construites (Bajos et Ludwig, 1995; Marsicano, 2012). Plus largement, les approches du risque en santé et en santé mentale ont été particulièrement discutées en contextes endémiques et pandémiques (Peretti-Watel, Patrick et Adrien Delespierre, 2022), ainsi qu’au regard des débats relatifs à la « globalisation de la santé » comme de la gestion institutionnelle et politique des crises (Gasquet-Blanchard, 2014, 2017).

Dans le champ des migrations, la question du risque a notamment été abordée, dans le contexte d'externalisation du contrôle migratoire, au regard des conditions du passage clandestin des frontières (Holmes, 2013) et de la mise à l'épreuve des corps qui en résulte, non sans confronter à la mort et au risque de mort. Des travaux se sont penchés sur la perception des risques de la traversée (Pandolfo 2007 ; O'Leary 2009) et la façon dont elle opère dans les différentes étapes du voyage (Sheridan 2009). Certaines recherches ont mis l'accent sur les discours produits par les personnes migrantes elles-mêmes sur leurs expériences et leurs projets d’avenir (Arab 2007 ; Souiah 2012 ; Canut et Pian, 2017), mais aussi sur leurs mémoires du risque encouru (Massari, 2022). D'autres travaux ont davantage renseigné la manière dont les ONG et les institutions internationales essaient d'objectiver le risque migratoire (Andersson 2012) ainsi que les stratégies mises en œuvre pour informer les candidats et candidates à la migration des risques de la traversée (Pécoud 2012).

En partant d’une approche assez large du risque, la journée d'études propose d'articuler la question du risque sanitaire et celle du risque en contexte de migration.

Cette journée part d'une réflexion préliminaire menée dans le cadre du programme de recherche MoCoMi sur la mort Covid en migration, alors même que plusieurs études ont souligné la sur-exposition des populations étrangères et immigrées à la pandémie et à la mort pour cause de Covid-19 (Gaille et Terral, 2020 ; Brun et Simon, 2020), et ce, dans différentes régions du monde. 

Bien qu’elle soit initialement construite autour du rapport au risque Covid en migration, la journée d’études souhaite étendre la focale afin d'associer à la réflexion des éléments provenant d'enquêtes ne traitant pas nécessairement de situations de migration et pouvant porter sur d'autres formes d'épidémies. L’enjeu de cette perspective élargie, en effet, est d'encourager un regard croisé qui apparaît heuristique pour identifier et analyser des similitudes et différences, des variants et des invariants dans la manière de questionner, dans une perspective socio-anthropologique, le risque et le rapport au risque sanitaire en contexte de vulnérabilité.