Fort Huachuca, laboratoire des relations interraciales dans l'Etat américain pendant la Seconde Guerre mondiale
Pauline Peretz est historienne, Maîtresse de conférences habilitée à l'université Paris VIII et directrice-adjoint de l'Institut d'Histoire du Temps Présent.
Fort Huachuca est un lieu oublié, au fin fond de l'Arizona, où s'est joué, pendant la Seconde Guerre mondiale, « le rapport tortueux et honteux » de l'Amérique à ses soldats noirs. Qu'on imagine : très loin des théâtres d'opérations, quelque 30.000 soldats africains-américains, hommes et - à partir de 1942 - femmes, se trouvèrent rassemblés et confinés dans des bases militaires sous le commandement d'officiers blancs. Alors que les Etats-Unis étaient entrés en guerre pour « vaincre les régimes racistes de l'Axe et faire triompher la démocratie dans le monde », il existait sur leur sol des lieux où une hiérarchie raciale contredisait cet attachement au principe d'égalité. Ces deux « all-black posts » (le second se trouvant à Tuskegee, en Alabama) étaient des anomalies au regard des autres bases de l'armée qui étaient soit totalement blanches soit mixtes, où Blancs et Noirs s'entraînaient côte à côte suivant le principe « séparés mais égaux ».