Danser par la voix de l’écriture. À propos des chamanes scripteurs des Yi-Sani (Chine)
Chez les Yi-Sani du sud-ouest de la Chine, la maîtrise d’une écriture particulière conditionne l’accès à des pratiques chamaniques locales. Dans la mythologie, les textes de
leurs spécialistes religieux bimo sont associés aux sons de l’ivresse et à une forme d’ascèse. Quant à la mise en voix sur l’aire rituelle de ces écrits versifiés, perçus non pas comme des paroles écrites mais comme des chants graphiques liés aux substances corporelles des officiants, elle suppose un changement d’état relevant de l’extase et de la transe perceptibles uniquement par les esprits. Afin de discuter les travaux de Roberte Hamayon, la question du ressentir ainsi que l’idée du chamane comme « être-saisi », au sens d’Erwin Straus, sont introduites en ayant pour ce faire recours à des réflexions sur le mouvement et la musique, notamment par le biais d’Anne Boissière. L’article propose finalement de percevoir le chant (graphique ou verbal) et le mouvement (intériorisé comme extériorisé) comme modes fondamentaux d’interactions chamaniques à partir desquels se tissent une ouverture au monde et une mise en relation entre différentes entités localisées dans l’espace acoustique et métaphysique créé par le chamane qui l’anime alors par les trépidations de son corps.