Femmes artistes dans l’espace atlantique : migrations, création, émancipation

3 5 avril 2025
14h30 17h
Abbaye de Royaumont

Ce colloque vise à explorer les effets des circulations culturelles transatlantiques dans les parcours individuels et collectifs des artistes femmes (XVIIIe-XXIe siècles) dans les divers domaines de la création (cinéma, littérature, arts visuels, arts de la scène, musique, architecture…). Les contributions interrogeront la manière dont le déplacement géographique ouvre des espaces de création et des possibilités d’émancipation afin d’envisager l’histoire des circulations culturelles du point de vue des femmes. Cette démarche invite à déplacer le regard au-delà de l’histoire canonique des arts, vers d’autres genres, d’autres temporalités, d’autres réseaux et acteurs. Aborder la création artistique des femmes implique en effet de contourner la stature mythologique des artistes les plus célébrées, pour élargir la focale à des productions culturelles et aborder aussi bien des genres parfois considérés comme « mineurs », mais largement investis par les femmes, comme la littérature jeunesse, les arts textiles, les récits de voyage ou la traduction. Ce colloque ambitionne tout à la fois de relire l’histoire de figures incontournables au regard de ces échanges transatlantiques et de (re)découvrir des personnalités moins visibles.

L’objectif est d’identifier, de retracer et de problématiser les trajectoires transatlantiques des femmes dans les mondes de l’art et de la culture, afin d’interroger l’effet de ces voyages (temporaires ou permanents, volontaires ou forcés, individuels ou collectifs) tant sur leur émancipation politique que sur la légitimation de pratiques et de créations artistiques. Dans le sillage de l’analyse des productions artistiques depuis les sciences sociales, englobant l’ensemble des acteurs qui contribuent à la production des œuvres, ce colloque s’intéresse tant aux artistes qui les produisent qu’aux autres actrices engagées dans la circulation et la légitimation de celles-ci. Sans être des catégories mutuellement exclusives, ces deux rôles, celui de l’artiste et celui de la médiatrice, se juxtaposent parfois dans une même personne. D’autant plus que la circulation en elle-même fait des artistes des médiatrices par excellence entre différents pays, villes, circuits et domaines artistiques. Les interventions se focaliseront donc, d’une part, sur les femmes artistes (photographes, comédiennes, danseuses, peintres, écrivaines, musiciennes, mais également tisseuses, artisanes, céramistes, graffiteuses, dessinatrices, costumières, performeuses…) en essayant de franchir les divisions vernaculaires entre les « beaux-arts » et les « arts mineurs » ou bien entre « l’art » tout court et « l’artisanat ». D’autre part, il s’agit aussi de suivre les femmes en tant que médiatrices ou intermédiaires culturelles telles que les traductrices, collectionneuses, éditrices, mécènes, enseignantes, ainsi que des femmes à la tête de cercles de sociabilités (salons, librairies, galeries) ou de réseaux militants (mobilisations pour les droits culturels, création de politiques culturelles, entre autres). Ces femmes médiatrices sont souvent éclipsées par les auteurs ou les artistes dont elles mettent en lumière le travail. Pourtant, en créant des ponts entre les scènes culturelles, elles jouent un rôle essentiel dans la circulation des œuvres et des idées.

Les contributions porteront sur les déplacements de femmes comme facteurs d’émancipation : celles pour qui le voyage a joué un rôle fondateur dans leur travail, leur création ou leur engagement politique et féministe, en ouvrant des horizons jusqu’alors fermés ; mais aussi les figures ou modèles voyageant de part et d’autre de l’Atlantique pour devenir des référents élargissant les imaginaires culturels, les définitions de genre et les conceptions de la féminité. Le colloque interrogera les caractéristiques de ces trajectoires migratoires. Notre hypothèse est que l’histoire de l’émancipation des femmes est façonnée par ces échanges culturels et porteuse en retour de transformations et d’innovations qui continuent d’irriguer nos sociétés. Poser la question de la place et des parcours spécifiques des femmes offre ainsi un moteur stimulant pour renouveler les thématiques de recherche et mettre en lumière des figures oubliées, méprisées ou bien invisibilisées. Par ailleurs, l’analyse de ces trajectoires peut permettre aussi d’identifier d’autres pratiques et stratégies de circulation culturelle et artistique, parfois moins « institutionnalisées », parfois moins « publiques », mais qui pourtant nous montrent l’importance des cercles de socialisation informelle ou bien de réseaux de solidarité entre femmes.

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