L’abbé de Saint-Pierre et la moralisation de l’intérêt par la science politique

Événement passé
Séminaire

Conférence de Carole Dornier, Professeure à l'Université de Caen Normandie, HisTeMé

Dans le cadre du séminaire "Morale, économie et politique au tournant du 17-18e siècle"

7 juin 2024
16h
Misha, salle Asie

Formé chez les jésuites et acquis très tôt au cartésianisme, l’abbé de Saint-Pierre (1658-1743), Normand devenu académicien français en soutien des Modernes, se consacre à la politique comme science essentielle pour assurer le bonheur du plus grand nombre. Il cherche à définir la bonne police, instrument de régulation sociale qui inclut les conditions du bien-être, la sûreté intérieure et les mœurs. Après des contacts et lectures divers, mêlant expérience et théorie, observations et expérimentations, il dresse le bilan des obstacles à la prospérité (guerres, état des voies de communication, fiscalité, droit hétérogène…) et élabore des projets pour y remédier. La satisfaction des besoins de la population est envisagée selon un calcul coûts/bénéfices, des supputations, la gestion de l’espace, les mécanismes du crédit et de la circulation monétaire, l’organisation du commerce. Le comportement intéressé des acteurs assure la régulation du marché intérieur mais une stratégie de l’État en matière de commerce international paraît nécessaire, éloignée cependant de la logique conflictuelle du mercantilisme, selon l’idée de doux commerce.

 S’appuyant sur le droit naturel, sur une vision positive des passions et de l’amour-propre, sur le libre arbitre, l’abbé est convaincu, contre Mandeville, qu’on peut rendre vertueuse la recherche du profit et de la considération.  Conséquentialiste, il critique, avec le pessimisme augustinien, les morales de l’intention, l’abandon anomique à une harmonisation naturelle des intérêts, la résignation face à un ordre social injuste, à la pauvreté. Sa position dans la querelle du luxe témoigne de ce désir d’infléchir les mœurs de ses contemporains dans le sens d’une éthique adaptée au développement économique, distinguant bonnes et mauvaises dépenses et refusant de faire de l’indigence un encouragement au travail.

En distanciel